Je me demande combien de temps je tiendrais. Combien de temps je mettrais de côté. Combien de temps je garderais cette vision des choses. Combien de temps je me regarderai dans le miroir sans réellement faire attention, en refusant de voir la réalité complète.
Je commence à le sentir, un peu, d'avoir été trop aveugle, de m'être éloignée, d'en faire qu'à ma tête. Comme un membre que j'ai coupé pour qu'il repousse mieux, mais il repousse pas. Trop d'espoir, d'attente. Et là le vide se réveille, les yeux s'ouvrent, la tête commence à se rendre compte. L'inconscient qui remue, qui remue les choses avec des doigts flexibles, presqu'élastiques. Même mouvement depuis des semaines. Comme pour mélanger de la soupe dans un chaudron.

Je fais semblant de pas m'apercevoir que c'est vide, parce que ça a toujours été plus facile de refuser les choses que de s'adapter à tout. Mais ça me manque, c'est plus assez beau, assez moche, assez crédible à mes yeux, assez vivant.
J'ai envie de greffe, pour plus me sentir handicapée, hachée, faussement réelle.
Je sais même pas si c'est possible. Si ça va coller. Si ça va revivre.
Je trouve ça triste. Et mon attitude déplorable. Je sais pas non plus si je veux vraiment recoller les morceaux.

Mais non, je refuse d'y penser, ça viendra quand ça viendra, là, c'est trop tôt, c'est pas possible, c'est pas assez douleureux, c'est rien, ça va rien changer si je commence à y penser maintenant. Je vais attendre, je sais si bien le faire.