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Le jour se lève, ça vous apprendra.
Borderline.
--> Casser le silence en mille morceaux pointus et se trancher le coeur avec.
 J'ai ce besoin d'éclabousser mon petit monde et celui d'à côté et celui d'à côté etc. pour montrer que j'existe, que je suis vivante, réelle, pas un produit de mon, de ton, de votre, de leur, imagination à tous les pronoms, non, je ne le permettrais pas, qu'on m'oublie comme ça, moi je veux graver jusqu'au sang dans la roche, oui, le sang du rocher, faut le trouver ? Ben je le trouverai, et on ne m'oubliera pas si vite, car moi je collerai des étoiles sur le sol, je marcherai sur Neptune et je serai le tsunami qui détruira Paris de la carte géographique. On se souviendra de moi. Tu verras. Je te balance mon traitement ? C'est pour que tu me comprennes mieux, mon chou, c'est pour que tu me dises "mais c'est beaucoup dis donc !" et à moi de répondre "oui mais je le prends parce que le docteur a dit" comme s'il s'agissait d'un saint, mais non, c'est un humain qui peut encore se tromper, et à moi de dire mais vous êtes fous de penser pareilles choses ! Bref, le traitement a été révisé et j'ai beaucoup de neuroleptiques avec des tremblements et je peux pas boire le café dans la toute petite tasse à moins d'en mettre partout alors j'en bois dans la grande tasse, dans le mug à chocolat, je bois du café dans le mug à chocolat. C'est cela même.


Sur la touche, la cinquième roue du carrosse qui se plaint et qui met de l'espace vital autour d'elle pour ne pas qu'en la frôlant on la fissure comme une poupée de glace, de porcelaine, une absurde poupée de cire chaude qui fond près de la cheminée allumée depuis la première averse. Alors je me détache. La clé des médicaments est sur ma mère, ma mère est partie avec eux, eux tous sont loin maintenant, et moi ici esseulée, à rêver de chimie, de laboratoire et de mini-moi dans une cage pour expériences para-médicales, histoire de grandir, de cesser d'absorber tout l'autour et cesser de grossir le ventre pour du vent ou pour du beurre et sa tartine, de toute manière tout se cassera la figure côté beurre. Et éclaboussera tout autour sur la carrelage frais partout partout partout partout je te dis, et mon bras qui se détache et tombe à côté, parce que disloqué, et je ne serai jamais entière, il me manquera toujours, toujours, toujours quelque chose, ça ne sera jamais assez, jamais assez de chaleur, de froid ou de compagnie ou de solitude ou de sommeil. Jamais assez de soleil et mes jambes ne m'emportent jamais assez loin, hors de la maison, je reviens toujours au même endroit, comme une balle qui rebondit contre un mur, qui revient toujours.
Je rêve de pauvreté, de soupes en sachet à manger à chaque repas et qu'on me laisse tranquille, qu'on arrête de me dire "fais ci fais ça", et bouffe ta gorge, étouffe-toi avec. Juste un peu de légèreté et d'absence pendant on va dire.. quelques semaines ? Soyons fous.
Je me déchire l'intérieur à coups de grâce et de canif rouillé, ça me soulage la douleur douce comme un oursin-cactus, ça ne se voit pas, j'en suis fière, je ne suis pas transparente, je peux je sais savoir faire semblant et du coup cacher et être quelqu'un avec de la peau qui brille dans le noir, qui cache l'intérieur et personne qui lit dans la tête à travers les yeux, à travers la peau si pâle si blanche, et personne qui lit le texte imprimé sur mes os sur mes muscles et mes tendons, dans mon sang les lettres s'emmêlent mais donnent la même version de la douleur et le même cri, le même hurlement, la même peine. Est-ce que tu vois ? Est-ce que tu lis ? Est-ce que tu comprends ? Est-ce que tu es parvenu à rentrer dans mes cauchemars et mes histoires grotesques que je me racontes où je me fripe à chaque fois ?
Mais je ferai quelque chose et on me regardera et on me critiquera par jalousie comme moi je les critique, je me critique par jalousie et envie de ne pas être moi, et j'aimerai être quelqu'un d'autre, que cette personne s'échappe ou qu'on l'enferme à l'asile et qu'on me mette dans un autre corps plus grand et plus grâcieux, moins tordu, moins barbouillé, moins maladroit, moins transparent, avec de la peau qui cache les souvenirs et les pensées utopiques nerveuses. Qu'on cède à mes vœux ! Je donnerai du chocolat à qui me donne son corps, sa tête, sa vie.

J'ai cru comprendre que si je suis malade c'est un cheminement d'abattements narcissiques, comme quand on abat des arbres, une forêt, l'Amazonie, la forêt Noire, bref une forêt, arbre par arbre, chaque jour un de plus sur la liste des choses à détruire, à casser, à déprimer, à rendre inutile, laide, impalpable, injustifiée, je suis injustifiée, et c'est leur faute, c'est eux les coupeurs qui m'ont coupé l'herbe sous les jambes, pour pas que je grandisse. Pour être dépendante et incompréhensible, et incomprise. Pour être marionnette et qu'ils aient la clé des médicaments dans leur poche, loin, loin, trop loin de moi, et qu'on me fasse honte en me donnant les médicaments devant les inconnus, "parce qu'elle n'a pas de limites tu comprends".

Je suis vieille et vide, vingt-trois ans de vieillesse, de vieille peau, de vieux yeux, de vieux cœur, vieux et sale rempli de poussière comme dans les panneaux de climatisation. Je sens le vieux. Vingt-trois jours de temps qui passe et de gommages et d'effacement de caractères et de promesses de droiture et de bonne conduite, tout ça qui passe aux oubliettes et ça continue, le temps continue de tourner dans la tête dans l'horloge dans les tripes. Colère et enragement du vide de tout ça, ce non-sens qui ne sert à rien, qui prend de la place et qui me fait serrer la mâchoire jusqu'à la douleur de la tête entière, et les joues ensanglantées parce que je les aurais mordues en même temps que mes dents. Pour faire comme-il-faut, ne pas casser la vaisselle, ne pas se jeter dans les escaliers, ne pas boire trop, ne pas, ne pas, ne pas exagérer, en pas se montrer agressive, se calmer, être douce, patiente, polie, comme-il-faut(e ? ).

Maintenant, à présent, je deviens dingue parce que c'est l'absence des jours heureux et des gens qui me revient en pleine figure. Le silence radio alors que moi j'éclate en mots, en sanglots et en dérivés codéineux, j'éclate, je bouillais, j'éclate, je m'éclabousse jusqu'à la pointe de la mèche rebelle sur le haut de ma tête, je vomis sur moi sur moi, parce que je suis la seule ici, toute seule sur qui pointer le doigt d'honneur et la seule coupable, même pas la force de nier, ça serait absurde, ma tête bout, je deviens toute chaude et je m'énerve je cogne cogne cogne le mur les vitres les meubles, je suis bien présente et réelle, un peu trop, à quoi me sert ce corps si je ne peux rien faire dedans ?

Est-ce que tu souffres autant que moi à me lire ?
Soufflé par Delirium, le Mardi 14 Septembre 2010, 15:17 dans la rubrique "Actualités".
Continuer le souffle