. - Hier j'étais folle.

Hier j'étais folle.
J'étais en chaussettes, et le parterre c'est du parquet, j'ai sauté à pieds joints pour ma faire mal aux pattes. Sauté très fort. Personne n'a rien dit.
J'ai hurlé, personne n'est venu frapper à la porte.
J'ai mis la musique à fond, idem.
Alors je me suis tapée dessus avec ce que je trouvais sous la main. Et je me suis brûlée avec de l'eau.
J'ai essayé de pleurer.
J'ai eu une énorme envie, un besoin de boulimiser. Boulimiser quelque chose, quelqu'un. Oublier. Trouver quelque chose pour faire diversion avec l'autre chose, que je ne sais même pas ce que c'est. Quand on sait pas on devient fou, parce qu'on sait pas comment faire pour arrêter cette chose à l'intérieur. Mais je me suis rendue compte que si je mangeais c'est pas ça qui ferait que j'aille mieux, et qu'au fond ça enterrerait rien du tout, que ce qui sortirait ne serait que du "symbole" et donc que ça ferait rien. Alors j'ai pas crisé. Parce que l'autre chose c'est pas de la faim. C'est des sentiments étranges, indésirables, infatigables, et ils n'ont rien à voir avec le physique, comme la faim.
Alors j'ai voulu sauter par la fenêtre. Et je me suis dit que si je saute ça résoudra pas ce que j'ai en moi, ça le fera mourir, oui, mais sans paix. Alors je suis redescendue.
Pour plus penser je me suis dit que j'allais me cogner la tête dans le mur, ou dans le double-vitrage, ça ferait moins de bruit. Sauf que j'en voulais, du bruit. Et je voulais aussi quelque chose pour arrêter cette chose indeterminée. Et je me suis dis que si je me cognais tres fort ça allait juste me faire avoir mal au crâne et que ça changerait rien. Alors j'ai rien fait.
J'ai fait du bruit. J'avais une furieuse envie de casser toute la vaisselle. Pour entendre le bruit. Pour sentir que je suis présente, que j'existe, et que je peux faire quelque chose. Ici, c'était de faire du bruit. De faire exploser parterre les assiettes, une par une, pis les verres. Mais je l'ai pas fait, je me suis tapée avec. Le sol a rien eu. La vaisselle n'a pas souffert.

Entre-temps je me suis fait du thé. Quand il était potable, tiède, je l'ai bu avec trois comprimés.

Ca a duré longtemps, cette guerre entre la vaisselle et moi. Ensuite j'ai baissé le son de la musique. Pour pas gêner plus longtemps les voisins. Je n'ai pas fait d'autre bruit à part l'eau qui coulait, ou encore les meubles qui changeaient de chambre.
Pis tout doucement je me suis calmée, dans un silence effrayant, alors je me suis mise à faire le ménage. Pendant deux heures. J'ai arrêté parce que le comprimé m'a donné très envie de dormir.

Comme si j'essayais de me débattre dans une situation où le vainqueur est déja reconnu.

Je crois que je vais pas très bien ces temps-ci.

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